Récit

MYRIAM, 39 ans: « J’ai toujours tenu à garder mon…

MYRIAM, 39 ans :

J’ai toujours tenu à garder mon individualité, et la facilité avec laquelle les gens rentrent dans des cases m’étonne encore aujourd’hui.
Quand j’avais une vingtaine d’années, je vivais une période de changement, de transition où je devenais jeune adulte. J’étais en fin de cursus musique-études. Ce type d’études est très cadré, très académique. Pour moi qui ai besoin de concret, j’arrivais à un stade où je me disais : “C’est bien beau, j’ai un bagage mais qu’est-ce que j’en fais ?”



CHAPITRE I

C’est là qu’un professeur m’a dit: “Tu n’apprends pas comme les autres, je ne peux rien pour toi.” Je lui ai répondu que nous n’avions ni le même savoir ni les mêmes méthodes, et lui ai demandé comment faire. Je m’attendais à un échange constructif ; au lieu de ça, je me suis heurtée à un mur. Alors je suis partie.

Je voulais rester dans le domaine de la musique, et m’affranchir de l’académisme sans perdre le goût pour l’expérimentation.

Je me suis donc intéressée à toutes les pédagogies.

J’en ai expérimenté certaines, j’ai essayé de faire des liens entre elles. Des livres, des rencontres, des discussions passionnantes m’ont confortée dans ma démarche. Ça m’a aussi convaincue du formatage de l’apprentissage à l’école.
J’en suis arrivée à la conclusion qu’il me fallait désapprendre dans un premier temps pour réapprendre ensuite autrement, sans barrières.

L’apprentissage doit passer par l’expérimentation.

Savoir doit être synonyme de faire, l’important est de réaliser quelque chose. La compétence est plus importante que la connaissance.

Selon moi, l’apprentissage doit passer par le lâcher prise. Ce n’est pas un fonctionnement binaire où d’un côté il y a la norme et de l’autre l’anarchie. Il faut accepter de ne plus tout gérer avec le mental, et de faire confiance à l’instinct et à l’intuition.

J’ai beaucoup voyagé à cette période. C’était une époque où on ne voyageait pas beaucoup en sac à dos en France et en Europe ; pourtant je n’étais jamais seule. Je faisais mon propre parcours mais je restais dans les circuits d’étudiants. J’étais ouverte aux moments inattendus que la vie peut offrir, ces moments qui permettent de s’épanouir. Les rencontres en font partie.
Ça m’a sans aucun doute permis d’aiguiser mon intuition, de savoir où mettre mes limites, de définir ce que je voulais et ce que je ne voulais pas. Ça m’a ouvert l’esprit.

Le fait de quitter le cursus académique a créé beaucoup d’incertitudes sur la poursuite de ma carrière.
Il y a toujours beaucoup d’émotion dans l’abandon d’une voie pour une nouvelle. Beaucoup de choses entrent en jeu dans votre esprit et le bousculent: la société, les parents, l’entourage, les principes éducatifs…

Il ne faut pas se précipiter.

Face à ces choix-là, la démarche est toujours intérieure. Il faut pouvoir apprécier l’ensemble de la situation, sans se perdre, et écouter son intuition. C’est pour ça qu’il ne faut pas hésiter, pendant un temps, à se replier à l’intérieur de soi, à éviter les perturbations extérieures qui peuvent nuire à la construction de son propre socle. Être à l’écoute de soi est nécessaire pour prendre l’impulsion de départ, celle qui permet de bifurquer de la route principale, mais aussi pour pouvoir poursuivre sur la voie qu’on a choisie.

Je ne regrette pas d’avoir pris de la distance avec un modèle d’enseignement qui me semble aujourd’hui encore archaïque. Ça a vraiment été une redéfinition de mon propre chemin. Une fois qu’on est en accord avec soi, on s’ouvre à l’extérieur. C’est important de garder sa porte ouverte aux changements, d’autoriser les échanges qui permettent de recevoir et donner. De s’enrichir et de rester soi.

J’ai connu d’autres carrefours par la suite, mais celui-là reste le plus marquant. Avec l’âge, ces moments sont plus faciles à gérer car l’expérience rend plus philosophe.
Ce n’est jamais simple mais c’est toujours un élan. Il faut s’autoriser ce droit à l’erreur plus anglo-saxon que français.
On peut toujours bifurquer et si ça ne va pas retourner dans une voie plus conventionnelle pour survivre. Mais au moins on aura essayé.

Je préfère prendre le risque d’échouer plutôt que regretter, toute ma vie, de ne pas avoir essayé.


La pédagogie, l’éducation, la transmission, ont toujours été des sujets qui m’ont beaucoup questionné.
Krishnamurti a dit: « Avoir un esprit ouvert est plus important qu’apprendre ; et nous pouvons ouvrir notre esprit, non en le bourrant de connaissances, mais en étant conscients de nos pensées et de nos sentiments, en nous examinant attentivement nous-mêmes, en percevant les influences qui nous entourent, en écoutant les autres, en observant les riches et les pauvres, les puissants et les humbles. La sagesse n’est pas le fruit de la peur et de l’oppression ; elle surgit lorsqu’on observe et comprend les incidents quotidiens, dans les relations humaines. » Expérimenter et accepter de se tromper, voilà ce que je retiens de ma rencontre avec Myriam. Son chemin est à méditer.

— Fred

Texte: © Tous droits réservés – 2019
Photo: © Creative Commons

RSH1977@A